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Ce premier numéro de la revue Musicorum reflète un des objectifs de l'équipe de recherche Histoire des Représentations : la rencontre de disciplines différentes sur une thématique se rapportant à la musicologie. Les regards croisés de spécialistes de phililogie romane (Albert Gier), de linguistique (Xavier Cervantès), de littérature (Chantal Leblond et Julie Sandler) et de musicologie (Gérard Bougeret, Laurine Quetin et Marc Signorile) mettent une nouvelle fois en évidence l'inutilité des cloisonnements traditionnels entre disciplines. De la lecture de l'ensemble des articles proposés, se dégage la diversité des champs de recherche actuels auxquels s'associe la musicologie. Elle confirme et illustre la volonté de réflexion pluridisciplinaire menée par les responsables de cette revue, tous membres d'Histoire des Représentations.

Les deux premiers articles contribuent à des approches nouvelles d'études sur la musique. Des liens incontestables ont pu être noués entre la musicologie et d'autres disciplines essentielles à son développement comme la sociologie, l'ethnologie, sans parler de l'histoire et la littérature. Ainsi la recherche musicologique s'ouvre à des démarches parfaitement connues dans les domaines cités précédemment. Marc Signorile explique la naissance et l'évolution de la réalité musicologique et s'interroge sur une méthode à mettre en oeuvre pour répondre à une définition plus approfondie du "sens musical". Le musicologue, s'il veut offrir des perspectives de synthèse utiles au développement de la recherche, se doit d'être capable d'user des outils spécifiques à d'autres terrains scientifiques. Gérard Bougeret prend le relais en démontrant avec rigueur et précision les liens indubitables entre musique et pratique musicale, source d'innombrables questions autour du mot bref mais tellement difficile à cerner : "le goût".

Les cinq autres articles sont autant de réponses apportées à un débat marqué par la diversité des interrogations sur les spécificités du cas musical. Albert Gier souligne que l'idéal commun de Cautulle Mendès et Emmanuel Chabrier au moment de la composition de l'opéra Briséis en 1888 est "l'unité poétique et musicale" que souligne Mendès dans sa correspondance. Cet idéal serait le fondement de toutes les opérations visant à relier un texte à une musique sans nuire à l'un ou à l'autre et il pourrait expliquer une partie des réticences à Londres au début du XVIIIème siècle, à l'égard d'une langue inconnue comme l'italien. Xavier Cervantès analyse en linguiste et historien expérimenté le combat que dut mener le genre lyrique italien pour s'installer à Londres et décrypte derrière les arguments déployés par les hommes de lettres et de théâtre, les raisons véritables de ce rejet. Deux contributions (Chantal Leblond et Laurine Quetin) explorent le cheminement délicat de la réalisation commune d'un ouvrage lyrique : il s'agit du contexte de la naissance de l'opéra Tarare, représenté à Paris en 1788. Elles traitent sous des angles différents, la question de la réception d'un ouvrage lyrique, afin de ne pas négliger l'ensemble des événements rattachés à la production d'un opéra. L'analyse des phases successives de la création de Tarare se lit dans la recherche menée sous deux axes complémentaires : l'un interroge le livret de l'opéra à la lecture minutieuse des réflexions d'un auteur dramatique sur la complexité du genre lyrique - l'autre examine l'application des principes énoncés, par un compositeur jugé trop docile. A. Salieri n'a pas laissé d'opinion sur le texte de son librettiste Beaumarchais mais E. Chabrier semble peu convaincu par le contenu du ilvret de Briséis : "C'est idiot le poème aussi de Briséis, mon Dieu". Quant à Poulenc, Julie Sandler nous explique dès l'introduction, qu'il a sous les yeux, un texte qui "n'a pas du tout été conçu, au départ, pour être mis en musique". Mais l'ensemble de l'oeuvre vocale de Poulenc prouve qu'il sait choisir ses auteurs et qu'il possède dans le cas des Dialogues des Carmélites, le talent nécessaire qui lui permet de rendre intelligible la prose de Bernanos. Si Albert Gier explique combien Chabrier veut écrire la partition de Briséis, tout en acceptant, ensuite, avec lucidité de ne pas la réaliser, il met en valeur la volonté du compositeur d'affirmer son style : "je fais là-dessus de la musique à moi, bien à moi". Ni Salieri face au livret de Tarare et aux pressions de Beaumarchais, ni Poulenc, comme le démontre magistralement dans cette étude du premier interlude de l'acte II des Dialogues des Carmélites Julie Sandler, n'ont renié le leur. Ils ont tous affronté cet exercice périlleux dans un opéra, qu'est "l'entreprise de confrontation des langages".

Mélanges
Préface